QUELS MODÈLES AGRICOLES POUR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE ?
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A219 • Vers la fin des monoproductions régionales et industrielles - Pour la création de fermes diversifiées
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L'industrialisation de l'agriculture après guerre a conduit à la régionalisation des productions, opposants ainsi plaines céréalières, régions viticoles, légumières, élevages laitiers ou viandes, sans oublier les DOM-TOMs, mettant ainsi fin à des millénaires d'agriculture diversifiée ou de polyculture élevage.
Chaque exploitation s'est retrouvée avec une monoproduction et un débouché commercial unique dépendant des lois du marchés de gros à l'international.
Le constat est amère, faute de protectionnisme national et européen, de pression étatique sur les filières, et donc en l'absence d'un prix de vente garanti nettement supérieur au coût de production, notre modèle agricole est devenu "dépendant aux primes" alors même que les législations en vigueur interdisent la vente à perte.
Mis à part quelques niches ou productions à forte valeur ajoutée, les référentiels technico-économique de chaque filière le montrent, l'EBE (bénéfice) des exploitations correspond encore et toujours en grande partie aux aides découplées (ou "aides à l'hectare" telles que DPB, paiement vert, ICHN, ACAB/MAB etc).
Cela entretient de manière malsaine la pression foncière au dépend des futurs installés.
Cette dépendance aux aides et cette "chasse à l'hectare" conduisent à l'agrandissement sans fin des exploitations et à une augmentation inexorablement du prix à l'installation.
Demain, qui aura les fonds suffisants pour s'installer alors que de plus en plus de cédants ne trouvent pas repreneurs?
Les Chambres d'Agricultures et les Safer (2nd propriétaire foncier après l'Etat), ne soutiennent que peu ou pas les 20% de projets de création de fermes diversifiées, officiellement faute de "terres nues disponibles". Mais ne serait-ce pas parce que ces projets sont en inadéquation avec ce découpage régional et le modèle agro-industriel ardemment défendu par la COPA-COGECA?
Ce découpage a montré ses limites, surchargement dans les régions d'élevages, absence de fumures naturelles dans les plaines céréalières et appauvrissement de la vie des sols, transport routier massif de fourrage-paillage d'une région à l'autre (spéculation loin de la solidarité agricole, impact carbone élevé), recours à une mécanisation toujours plus lourde (donc charges en augmentation et surendettement par recours à l'emprunt), érosion suite à l'arrachage des haies et au remembrement, perte de biodiversité et augmentation des pressions en monoculture compensées par le recours aux biocides, début de la "guerre de l'eau", disparition à venir de certaines cultures incapables de s'adapter aux changement climatiques, abandon des zones pastorales qui se sont refermées, pression et spéculation foncière (achats de vignobles ou terres céréalières "rentables" par des investisseurs étrangers, cas des terres "ingrates" en zone montagne qui deviennent hors de prix car "valorisées" par les primes ICHN).
Il est indispensable que l'UE régule et taxe les importations de produits agricoles pour assurer la rentabilité des exploitations et que la PAC favorise la diversification des productions sur l'ensemble des territoires et face fi de ce modèle vieux de 70 ans.
Il est impératif de réguler le prix du foncier et d'empêcher la spéculation par des fonds d'investissement privés, nationaux ou étrangers.
Tout cela doit se faire dans le but d'assurer un moindre coût à l'installation et une rentabilité réelle des entreprises agricoles, condition sine qua non à l'installation de nouveaux agriculteurs.
Cette stratégie passe également par l'atteinte de l'autonomie en intrants sur chaque exploitation pour réduire les charges, la présence de plusieurs ateliers pour garantir un revenu en cas de crise sur une des productions, l'aménagement du paysage avec le retour massif du bocage dans les plaines, la réouverture des milieux fermés, la protection des zones humides, seules barrières efficaces face au réchauffement climatique et aux sécheresses, à la destruction des sols en plaine ou au risque incendie en zone de forêt. La liste des objectifs à atteindre est longue.
Quelle alternative se profile? Seuls des investisseurs, des fonds de pensions auront l'argent nécessaire pour investir. Ils feront main basse sur le foncier, créeront des entreprises agricoles titanesques qui détourneront les aides PAC comme des industries jouent déjà du CICE ou du CIR, il n'y aura plus d'agriculteurs, plus de paysans, juste des managers sortis des grandes écoles, quelques ouvriers, et des saisonniers "esclaves modernes" qui viendront du tiers-monde en charter comme cela se fait déjà en PACA.
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